PARIS, MAI 2022
Dans le cadre de la recherche menée par Elisabeth Essaïan, Stéphanie Dadour et Laeticia Overney, portant sur les réponses architecturales, urbaines et paysagères aux situations de précarités des personnes, Francis Landron partage son expérience avec un article sur le centre d’hébergement et de réinsertion sociale du Bois de l’Abbé, à Epinay-sur-Orge. 

Cette recherche est aujourd’hui accessible sur une plateforme internet, développée telle un atlas national des projets s’intéressant à proposer des résolutions des problématiques de situations de précarités. 

Cadre et moyens de production

L’association Emmaüs Solidarité accueillait de manière précaire 90 personnes dans deux bâtiments sur le site de l’hôpital du Perray-Vaucluse. L’hôpital a proposé à Emmaüs Solidarité de prendre à bail des immeubles vacants pour pérenniser l’accueil sur le site. Le projet consistait en la restructuration de trois anciens pavillons hospitaliers pour créer un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Une étude de faisabilité a montré que la typologie des immeubles existants était propice à la destination prévue. Le budget initial était de 300 000 euros HT pour les travaux. Au même moment, la loi « DALO » était en discussion. Une première faisabilité a montré qu’il était possible de réaliser des immeubles de logements. Parmi les scénarios de transformation envisagés, le plus ambitieux était de créer environ 126 logements et les locaux nécessaires au fonctionnement du site pour un montant de 4,6 millions d’euros. La recherche fructueuse de financements auprès de l’État et de la Région associés à l’optimisation des dépenses ont permis d’accueillir les personnes démunies dans des logements. Le projet a permis de dépasser l’offre d’hébergement initialement prévue en créant du logement.
Le principe développé est le suivant : « Ce dont les gens ont besoin c’est d’un chez soi, c’est-à-dire a minima les moyens matériels qu’offre un logement ».
Il vise un objectif de droit des personnes : assurer un chez soi au lieu d’héberger, un chez soi et non un « chez l’autre ». Plus généralement, il s’oppose à la logique de centre et part du principe que toute personne à la rue peut immédiatement disposer d’un chez soi. Seule une très petite quantité de personnes n’ont pas les capacités d’entretenir un chez soi.
Les immeubles sont avant tout des immeubles d’habitations qui visent à accueillir toute personne démunie, et plus généralement toute personne.
 
MOYENS
La conception du projet s’est faite en collaboration avec les résidents et le personnel de l’association Emmaüs solidarité à travers de nombreuses réunions d’échanges pour évaluer correctement les besoins des habitants et travailleurs. 
Les moyens financiers pour réaliser l’opération totalisent des financements à hauteur de 4 650 000 euros HT.
 
















Processus, formes, réception

Les bâtiments existants formaient un équipement très fonctionnel, chaque bâtiment rigoureusement identique s’encastre sur le coteau descendant vers le village du Breuil en contrebas. L’ensemble est distribué par un système de voirie en boucle au sein d’un paysage conçu comme un parc. Initialement, ces bâtiments accueillaient des malades mentaux par petites unités, avec une à deux personnes par chambres, des locaux collectifs et des locaux réservés au personnel. Le projet s’inscrit dans une économie stricte issue de la recherche de financement avec le maître d’ouvrage. Ainsi il met à profit l’économie d’échelle, liée aux modes constructifs d’éléments préfabriqués en béton très répétitifs et tramés, et l’économie de moyens, en valorisant tous les éléments susceptibles de satisfaire aux besoins de la nouvelle destination du bâtiment. La réalisation de la possibilité d’un chez soi passe par la création de sanitaires individuels et de cuisinettes et par la présence d’une porte-fenêtre pour mettre en lien l’extérieur et l’intérieur. Le renouvellement de la façade reprend le système répétitif existant et, par la réalisation d’une ITE (isolation thermique extérieure) biosourcée, accentue le contraste entre baies sombres et arcades blanches pour créer et renforcer le lien visuel avec le centre-ville, situé sur le coteau faisant face. Ainsi, un maximum des qualités existantes sont valorisées pour atteindre la nouvelle destination de manière économique. La conception était motivée par le principe que n’importe quelle personne, ou public, peut résider ici, et que la présence de locaux collectifs et administratifs contribue à fabriquer une forme proche du phalanstère. L’accueil par les résidents et les travailleurs sociaux semble fructueux, la plupart des personnes y trouvent un chez soi et la possibilité de se (re)construire un avenir.
Le projet est livré en 2016. L’ouverture d’un HUDA (Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile) sur le même site au sein d’un quatrième bâtiment identique (avant travaux) à ceux réhabilités intervient par la suite. Deux interventions sont en cours : – Une assistance pour mettre en place les espaces extérieurs de la ferme pédagogique du Bois de l’Abbé. La ferme prend place dans le cadre d’un Atelier Chantier d’Insertion (ASI). – Un projet de rénovation du quatrième bâtiment (HUDA).
 
 

Visible sur le site d’Architectures et Précarités